J'avais à la foi hâte de découvrir Asakusa tout en redoutant le moment où j'allais débarquer dans le célèbre quartier de Tokyo.
Ce n'est pas que la foule omniprésente me rebutait (après six jours à Kyoto je suis blindé niveau surtourisme) mais arriver à Asakusa signifierait que la fin du périple était proche car il s'agissait de mon dernier hébergement avant le retour au pays.
Pour le coup je me suis plutôt fait plaisir en choisissant deux nuits au Stay Sakura avec un tarif plus cher que d'habitude (jusque là mes hébergements m'ont coûté entre 25 et 70 euros la nuit) puisque cette fois j'en aurai pour 96 balles par nuitée. Mais qu'importe je voulais me faire plaisir et m'assurer d'une chambre confortable avant de me refarcir 15 heures d'avion !
Et puis maintenant que j'y repense je l'aurai bien mérité cet hôtel car je sens bien que mes gaffes légendaires vous manquent depuis quelques articles aussi rassurez vous le régime ramen n'a pas altérée mes compétences.
Je quitte Kanamachi après avoir remercié la proprio pour la tranquillité de ces quatre nuits dans ce quartier paisible et je prend pour la dernière fois le métro direction Asakusa, en prenant bien soin de demander à l'application JavTravel de m'emmener à Stay Sakura Asakusa.
Sauf qu'après un parcours pas difficile mais délicat en raison des deux valises (oui pour être certain de ramener assez de bordel j'en ai achetée une seconde, une astuce vieille comme le monde) je me retrouve devant ... Que dalle. Certes il y a bien marqué Stay Sakura sur le bâtiment devant lequel je suis planté mais il est neutre alors que la devanture de ma destination est violette, soit ma couleur préférée...
Comme dirait Claudy "on l'a repeinte cette nuit peut-être ?"
Bref un petit coup de maps pour me rendre compte qu'il y a plusieurs lieux dits Stay Sakura dans le quartier... Fort heureusement je ne suis qu'à dix minutes de marches de ma véritable destination.
Me voici donc débarrassé de mes valises et libre de partir explorer les environs, et quels environs !
Je ne suis en fait qu'à cinq minutes à pieds en comptant les nombreux feux rouges (au passage je vous déconseille de tricher aux passages piétons si vous ne voulez pas que les locaux vous regardent comme Ventura, Blier et Blanche lorsqu'on leur pique le Grisbi) du célèbre Senso-ji et de sa pagode rouge.
Comme vous vous en doutez si vous avez assidument suivi les derniers articles il flotte toujours pas mal et cela me plaît car les rues sont nettement moins fréquentées que ce que je pensais.
Je traverse émerveillé le temple bouddhiste dont on raconte que la statue de la déesse Kannon a été découverte par des pêcheurs il y a 1500 ans !
Quand on sait que le sanctuaire a été épargné par les bombardements pendant la Seconde Guerre Mondiale on se dit que ce quartier a véritablement son ange gardien ainsi qu'une âme.
Et cela se ressent par la multitude d'échoppes remplies de kimonos, de t-shirts arborant des samouraïs, les fabricants de zooris, les petits snacks et les décorations folkloriques affichées partout dans l'avenue : à Asakusa la tradition l'emporte toujours sur la modernité !
J'ai immédiatement adoré cet endroit, il est rassurant de constater que même s'il s'agit d'une zone très commerçante il existe dans le monde un endroit où des boutiques et restaurants perdurent pour certains depuis plusieurs générations et qu'il y a chaque jour foule... Pour un peu je me croirais à Kyoto plutôt qu'au coeur de la mégalopole tokyoïte.
J'ai alors l'occasion de constater un détail amusant : depuis le départ à chaque ville et à chaque quartier que j'ai traversé les habitants font en sorte de respecter l'espace personnel d'autrui.
Ainsi il n'y a pas eu un seul moment où je me suis senti frôlé par un habitant, qu'il s'agisse d'un vénérable vieillard ou d'une bande de collégiens.
Mais ! Mais là nous sommes à l'heure de la sortie des lycées et plusieurs groupes de lycéens et lycéennes déambulent entre les boutiques.
Du coup je peux le confirmer ce n'est pas une légende : les lycéens sont en concurrence même en dehors de l'établissement.
Vous pouvez croiser une demi-douzaine de filles arborant une jupe bleue à carreaux, je vous garantis qu'elles feront en sorte de ne bousculer personne... Mais dans le cas où elles croisent un groupe de filles dont la jupe est verte, signifiant une appartenance à une école différente... On n'aura peut être pas de bousculade mais les deux groupes se frôlent de si près qu'il n'y a probablement pas la place de glisser une tête d'épingle entre les deux bandes.
Je laisse le vent me mener à différents endroits du quartier où je constate que décidément dire "je suis français" semble faire perdre la tête aux vendeuses au point de me dire que je pourrais rapidement trouver ce qui me fait défaut chez nous jusqu'à arriver non loin du Don Quijote de Asakusa.
J'envisage d'aller faire un tour dans ce magasin d'une célèbre chaîne discount (en gros c'est la farfouille puissance 1000) lorsque je tombe sur ce que j'espérais voir tôt ou tard depuis mon arrivée au Japon : le portrait de Takeshi Kitano alias Beat Takeshi !
Cela ne vous dit peut être rien mais pourtant nul doute que vous avez déjà vu le bonhomme quelque part : en professeur poète assassin dans Battle Royale, en patron de Scarlett Johansson dans Ghost in the Shell, en garde de David Bowie dans Furyo, en yakuza farceur (!) dans Sonatine, en sabreur aveugle dans Zatoichi ou encore plus récemment en flic mélancolique dans Hana-Bi.
Pour vous la faire courte au Japon il y a Bouddha, les divinités shinto et juste en dessous il y a Beat Takeshi (le nom de scène du bonhomme) qui accompagne les japonais quotidiennement dans des dizaines d'émissions de télé et de radio où le but est d'amuser et de provoquer.
Un personnage adulé par notre Albert Dupontel national et qui m'a toujours fasciné : il n'y a qu'à voir la subtilité de certaines séquences de ces films pour comprendre toute la poésie qui se cache chez l'acteur-humoriste-réalisateur-peintre-animateur.
C'est bien simple je crois qu'aucun réalisateur n'a aussi parfaitement résumé la puissance d'un amour entre deux personnages brisés qu'à travers la scène des gâteaux dans Hana-bi. Pas un mot. Juste une femme qui pique une fraise énorme à son mari.
Pour ma part n'étant pas plus croyant que ça (encore que depuis que les deux souhaits effectués pour des amies dans des temples de Kyoto se sont réalisés je regrette sincèrement de ne pas avoir demandé quelques millions de patates en liquide au passage) je dirai qu'il y a Tarantino, Eastwood, Verneuil et Kitano qui se situe à l'intersection des trois.
Et donc complètement par hasard après presque trois semaines sans voir la moindre publicité avec le visage iconique du showman japonais, voilà que sa photo me fixe derrière la vitrine d'un ancien cabaret.
J'adore ce genre de coup du hasard : je suis en fait devant le fameux cabaret Le Français où Kitano a commencé sa carrière de comédien de manzai (duo d'humoristes qu'il formait avec Beat Kiyoshi) de façon complètement improbable. Pour l'anecdote le film Netflix Asakusa Kid raconte justement le début de la carrière de Kitano avec quelques séquences musicales très réussies. Pour une fois qu'il y a un truc qui vaut le coup sur cette plateforme à la noix soyons beaux joueurs !
Tiens d'ailleurs puisque je parle de films il y a un revendeur de DVD je vais en profiter pour lui demander si Kubi le dernier film de Kitano réputé pour être une histoire sanglante et comique de samouraïs n'est pas encore sorti.
- Non désolé il sort dans trois jours le 11 octobre !"
- C'est con, mon avion décolle le 10, bon bah j'vais passer par amazon alors, bonne journée."
C'est marrant, j'ai presque l'impression que Beat Takeshi a fait exprès de sortir son film en DVD le lendemain de mon départ, je l'entend presque rire en me lançant un bon vieux "Bakayaro !" dont il a le secret.
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